Suzanne Giraud

Contact Suzanne Giraud compositrice contemporaine française

Compositrice Composer Komponistin

Biographie

Le parcours

Les origines musicales et littéraires...

Née en 1958 à Metz, Suzanne Giraud grandit à Strasbourg, dans un environnement artistique, aux fortes influences musicales et littéraires ; sa mère est très mélomane et son père est musicien amateur ; tous deux sont professeurs d’allemand à l’Université. Son éveil à la musique se fait par les œuvres de Bach, Haydn, Beethoven ou Chopin, avec très tôt une préférence marquée pour celle de Mozart. Si elle envisage durant plusieurs années de devenir écrivaine, elle se recentre finalement sur la musique, y consacrant une grande part de son temps et de son énergie. En effet, au conservatoire de Strasbourg où elle entre à l’âge de 8 ans, elle étudie le solfège, le piano, le violon, l’alto, l’écriture musicale, l’accompagnement, la musique de chambre, ainsi que l’orchestre en tant qu’altiste puis comme apprentie cheffe ; elle a soif d’apprendre et de s’ouvrir à tous les univers possibles. Au lycée à horaires aménagés pour les apprentis musiciens et danseurs, un de ses professeurs, René Schmitt fait découvrir à ses élèves l’école de Vienne, Messiaen et ses successeurs. C’est une première porte ouverte sur la modernité. Après un cycle universitaire en linguistique, elle se décide à présenter le CNSMDP où elle est admise en 1977, toujours avide de progresser et aussi de se confronter à de nouveaux talents ; elle suit les enseignements de théorie, d’analyse, d’écriture, de composition ainsi que celle de direction d’orchestre. Elle en ressort 10 ans plus tard, diplômée dans ces disciplines ainsi qu’en harmonie, contrepoint et orchestration.

La vocation de compositrice...

Suzanne Giraud se décide à s’engager davantage en composition, notamment dans la classe de Claude Ballif, professeur reconnu pour le respect qu’il porte à chacun de ses élèves, qualité indispensable pour elle. Par la suite, elle multiplie les inspirations et les apprentissages : cours d’électroacoustique avec Jacques Lejeune et Philippe Mion au Groupe de Recherches Musicales (GRM) ; écriture spectrale avec Hugues Dufourt, puis Tristan Murail sur les Instruments électroniques de l’Itinéraire ; techniques informatiques et acoustiques sur l’UPIC de Iannis Xenakis (Unité Polyagogique Informatique du CEMAMu) et à l’Ircam. Elle réalise une pièce sur l’UPIC. À la demande du Centre Pompidou pour CNAC magazine, elle écrit de nombreux articles sur Iannis Xenakis et plusieurs compositeurs programmés par l’Ircam et l’Ensemble Intercontemporain Remarquée par Franco Donatoni lors d’une masterclass en 1982, Suzanne Giraud entre à l’Accademia Chigiana de Sienne où elle se perfectionne en composition, et aussi en direction d’orchestre avec Franco Ferrara.

La Villa Médicis...

En 1984, elle est nommée pour deux années à la Villa Médicis ; grande amatrice d’art, férue d’architecture de la Renaissance, Suzanne Giraud continue, outre ses découvertes musicales, de s’y enrichir et de développer son goût pour l’architecture et la peinture. Dès 1982, elle a fait à Rome la connaissance de Giacinto Scelsi, dont elle restera proche. Après le décès de celui-ci, elle participe aux activités de la Fondation Scelsi. Elle fréquente également les cours d’été de Darmstadt où là encore elle côtoie Feldman, Horatiu Radulescu, Ferneyhough.

La reconnaissance

Suzanne Giraud se voit récompenser de nombreux prix : le Prix Georges Enesco de la SACEM, le Prix Georges Bizet, de l’Académie des Beaux-arts ; elle fait partie de la sélection de la Tribune Internationale de l’UNESCO, et à deux reprises de celles de la Société internationale de Musique Contemporaine (SIMC), à Budapest en 1986 et à Manchester en 1998. Elle reçoit d’importantes commandes en France : l’État français, l’Ensemble Intercontemporain, Radio-France, Musique nouvelle en Liberté, festival Musica de Strasbourg, Musiques de Marseille, Festival Aujourd’hui Musiques de Perpignan, Orchestre Français des Jeunes ; elle travaille aussi pour des formations et des manifestations à l’étranger : Festival de Dresde, Almeida Theatre et festival de Cardiff en Angleterre, Orchestre de la Résidence de La Haye, également à Genève et Lausanne, Sarrebruck et Salzbourg. Budapest et Manchester..

L'inspiration

Les Arts et la littérature

La littérature, les périodes Romantique et Renaissance, font partie des sources d’inspiration de Suzanne Giraud depuis toujours. Elle se passionne également pour la littérature contemporaine et a à coeur de rencontrer des écrivains de sa génération. La peinture et la poésie, l’architecture et la sculpture sont au cœur de son travail, où elle puise matière à création. Le Titien, le Caravage, Cervantès, Mellin de Saint-Gelais, Joachim du Bellay, Michel Leiris, Pascal Quignard, Tolkien, Pétrarque, Poe, sont quelques-unes de ses références.

La Renaissance

Sa proximité avec la Renaissance s’est faite typiquement par la découverte de l’œuvre de Marguerite de Navarre et parmi les œuvres de Suzanne Giraud, notamment ses opéras, certaines peuvent être vues comme autant de relectures d’un certain esprit de cette époque au 20ème siècle : ornementation, effets d’écho, colorations mis en dialogue avec un langage d’aujourd’hui. Ces fioritures se retrouvent dans l’architecture, domaine qui la passionne et avec lequel elle noue de nombreuses passerelles au travers de son dialogue avec ses amis architectes et de son travail de composition.

La littérature contemporaine

Elle aime aussi beaucoup travailler avec des écrivains ; à cinq reprises, elle collabore avec Pascal Quignard, notamment pour Johannisbaum en 2011, Le chant du Marais en 2017, Les enfants du Marais en 2019 ; avec Dominique Fernandez pour son opéra Caravaggio dont elle a co-écrit le livret et où Philippe Jaroussky interprète le rôle-titre ; avec Olivier Py pour la création de l’opéra Le Vase de Parfums, qui fut remarqué en France et au-delà. Pratiquant elle-même la poésie, elle met en musique ses propres vers. À ses yeux, entre texte et musique, il y a une relation quasiment intime et fusionnelle. Travailler avec de grands écrivains est toujours une expérience fondamentale qu’elle vit chaque fois avec beaucoup d’intensité. Le récit l’intéresse, qu’elle fait sien dans sa musique. D’ailleurs, quand elle travaille avec les interprètes de ses œuvres, elle use souvent de termes littéraires pour leur faire comprendre les choses.

L'œuvre

Les origines

Dès l’âge de 16 ans, Suzanne Giraud a su que la musique serait sa passion et qu’elle en ferait son métier. Férue de littérature, classique et contemporaine, d’arts et d’architecture, formée à la linguistique et à une grande diversité de techniques d’écriture musicale, depuis la polyphonie renaissance jusqu’à la musique spectrale, Suzanne Giraud puise dans ce terreau la matière d’une musique dense et exigeante.

Composer

Chaque composition est une aventure, créée ex-nihilo, sans aucune reprise de ce qui a été imaginé auparavant. Suzanne Giraud dit avoir besoin de cette nouveauté, moteur de dynamisme et antidote de l’ennui. Elle travaille le matin, évitant tout contact avec l’extérieur. Son inspiration est littéraire, elle perçoit des atmosphères, des paysages. Lorsqu’elle a une commande, elle ne raisonne pas, va se promener pour laisser l’œuvre mûrir et naître à elle-même, sans qu’y penser de manière consciente ou y réfléchir soit nécessaire, bien au contraire.

C’est la force de l’intuition qui prépare le jaillissement. Un jour, tout est là : l’ambiance, l’idée, la forme, le titre. Suzanne Giraud « n’a plus qu’à » se mettre à composer, sans réviser, sans dominer ni orienter, à moins de perdre son élan. Son écriture se fait donc sans brouillon, mesure par mesure, sur du papier calque mesuré qu’elle se fait confectionner à façon ; le plan de chaque œuvre est prédéfini sur du papier millimétré : notes, rythme, intensité, hauteur, durée. Suzanne Giraud peut enchaîner les œuvres, en composer plusieurs en même temps. Elle reste très rarement sans écrire, même en vacances.

À ce jour, le catalogue de ses œuvres compte plus de quatre-vingts opus, qui abordent des champs très variés : solo, musique de chambre, musique vocale, opéra, musique orchestrale, chœur, œuvre pédagogique… L’orchestre est un autre domaine qu’elle connaît bien, ayant appartenu très jeune à des formations dans le rang des altistes. Cela lui a procuré un apprentissage solide de l’équilibre avec les autres pupitres, les cordes bien sûr, et également les bois, les cuivres, même les percussions, pourtant plus éloignées, ainsi que la compréhension du travail du chef d’orchestre. Elle est très familiarisée avec l’orchestre et se saisit sans crainte de ses combinatoires. À la lecture d’une œuvre, elle perçoit immédiatement de quelle manière cela va « sonner ».

La voix est son autre domaine de prédilection. Très jeune, elle a beaucoup déchiffré, les parties de piano en même temps que les parties voix, encouragée à chanter elle-même par son professeur de déchiffrage. Avec une de ses sœurs qui étudiait le chant, elles ont pris à bras le corps les Lieder de Schubert, de Schumann, d’Hugo Wolff et de Brahms aussi. Sa pratique de l’allemand l’a beaucoup aidée dans cette approche.

À présent, elle collabore avec des ensembles et des interprètes prestigieux : le Quatuor Arditti, l’Orchestre de Chambre National de Toulouse, l’ensemble Accroche-Note, l’ensemble Intercontemporain, Philippe Jaroussky, les Percussions de Strasbourg, Anne GASTINEL et l’Orchestre des Pays de Savoie, dirigé par Graziella Contratto, etc.

La pédagogie et l'enseignement

Strasbourg

La pédagogie est totalement naturelle à Suzanne Giraud. Aînée de quatre enfants et issue d’une longue lignée d’enseignants des deux côtés, elle donne ses premiers cours dès l’âge de 16 ans, dans une MJC d’un quartier dit « défavorisé » strasbourgeois ; durant deux ans, elle initie les enfants au piano et à la musique. Puis très vite elle rejoint l’établissement qui l’a formée, le Conservatoire de Strasbourg, et y enseigne le piano, l’écriture, l’histoire de la musique, la préparation à l’épreuve du baccalauréat, l’analyse, jusqu’en 1988.

Paris

Elle s’installe alors définitivement à Paris ; Alain Louvier lui confie au CNSMP une classe pluridisciplinaire d’écriture cycle court dont elle est titulaire jusqu’en 1993. Elle y enseigne en particulier la musique de la Renaissance. En parallèle, elle continue d’écrire des articles, produit durant deux ans, de 1991 à 1993, une émission sur France Musique, en collaboration avec Jean-Yves Bosseur. Chaque matin en semaine, durant 2 h 30, Les mots et les notes s’intéresse à l’Europe musicale de la Renaissance.

À force d’entendre les conseils de son entourage à devenir Directrice de conservatoire, notamment pour être « tranquille » à composer, elle suit la formation organisée par l’État menant à cette fonction. Pendant 25 ans, elle est à la tête du Conservatoire du 20ème arrondissement. Elle y conduit le projet de classes à horaires aménagés théâtre pour collégiens et crée un studio de création électroacoustique et un studio de synthèse et composition assistées par ordinateur.

Enseigner la composition...

En 2017, elle revient à la pédagogie et rejoint le Conservatoire à rayonnement régional de Paris en tant que professeure de composition et de culture musicale contemporaine. Suzanne Giraud reconnaît, durant de longues années, à l’instar de certains ses mentors, elle a pensé qu’il lui serait pensé impossible d’enseigner la composition. Elle n’avait pas la moindre idée de la manière dont elle pouvait s’y prendre. Selon elle, l’enseignement, quelle que soit la discipline, équivaut à montrer un chemin, une manière de s’ouvrir, de progresser, avec sa personnalité propre et ses aspirations. Elle écoute et accompagne ses élèves dans leur recherche et les aide à se constituer une réserve de matériaux, consciente de puiser elle-même dans sa palette personnelle au gré de son cheminement créatif. Elle les encourage à rester en éveil, à découvrir toujours de nouveaux courants et tendances, et à y puise pour élargir les champs de leur propre imagination.

L'Atelier contemporain et les œuvres pédagogiques

Depuis 2011, Suzanne Giraud a créé et anime un Atelier contemporain ouvert à tous, qui permet aux élèves du CRR d’appréhender la musique contemporaine d’hier et d’aujourd’hui, de développer l’écoute et l’échange avec des compositrices et des compositeurs, rencontres également ouvertes au public intéressé ; ils s’ouvrent ainsi à de nouvelles perspectives musicales et expérimentent des possibilités insoupçonnées.

Suzanne Giraud compose également pour les enfants. Au fil des commandes, plusieurs oeuvres pédagogiques ont trouvé place dans son catalogue : Le Singe, la Banquise et le Téléphone portable en 2005, Fables la même année et,
en 2019, Perpetuum Mobile pour les orchestres de DEMOS Île-de-France. La compositrice a écouté les enfants, pour bien comprendre le projet en jeu et ce dont ils étaient capables ; qu’ils prennent du plaisir à interpréter son œuvre était très important pour elle ; elle a eu à coeur de mêler les outils d’aujourd’hui, les sons, les gestes, les bruits de la vie, les voix et les instruments, réels ou inventés avec les enfants.
Là encore, l’objectif est aussi d’amener les nouvelles générations à d’autres sons, d’autres approches musicales et d’expérimenter par eux-mêmes.

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