1999, To one in paradise, musique vocale, orchestre
Durée : 18’
Effectif : Mezzosoprano et orchestre
Dédicataire : A la mémoire de Gérard Rippe
Commanditaire : Radio France
Création : 24 septembre 1999, Orchestre Philharmonique de Radio France, dir. Laurent Cuniot
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Notice
La diversité de la culture musicale de Suzanne Giraud lui aura permis d’’oublier’ tout ce qu’elle a appris pour écrire une musique qui lui est infiniment personnelle, jaillissant avec un naturel confondant, ce qui en fait l’un des compositeurs les plus puissants et originaux de sa génération. « J’ai étudié tant de choses différentes, rappelle-t-elle, je me suis approprié une si large palette de moyens, du contrepoint fleuri à la technique spectrale, qu’inconsciemment, selon mes besoins, j’exploite l’une ou l’autre, voire plusieurs à la fois. Mes œuvres reposent souvent sur un fond littéraire, parce que j’ai une imagination littéraire. Je l’ai toujours eue, et je continue à écrire pour moi. J’ai fait mon miel avec les fleurs que j’ai trouvées sur ma route ».
Chez elle, l’imaginaire est un tout. Ainsi, visions d’ambiances, de paysages ne cessent de l’inspirer, comme le suggèrent clairement les titres de ses œuvres, à l’exemple de La musique nous vient d’ailleurs composé en 1995. Mais aussi To One In Paradise, plainte d’une force pénétrante dédiée à la mémoire de l’un de ses amis, l’historien Gérard Rippe, exposée « dans un climat de sombre solitude » et se résolvant dans une douceur lumineuse.
Créée le 24 septembre 1999 à Radio France, cette œuvre permet d’embrasser la création entière de cette magnifique musicienne. Écrit pour mezzo-soprano et orchestre, ce chant funèbre illustre le poème éponyme composé par Edgar Allan Poe en 1834. To One In Paradise s’ouvre sur un envoûtant prélude instrumental qui participe à l’élaboration d’un climat onirique et poignant, soutien constant du langage caractéristique de la compositrice, qui, pourtant, une fois n’est pas coutume, ne s’inspire pas de sa propre poétique.
Cette somptueuse partition, immense lied symphonique traitant de la mort et se concluant sur un rayonnant postlude, exalte un sentiment de douleur d’une vibrante humanité. « Me promenant dans les corderies de Rochefort, entre deux répétitions de la création de Ton cœur sur la pente du ciel, se souvient Suzanne Giraud, j’ai découvert le recueil de Poe dans la traduction de Stéphane Mallarmé. J’ai commencé par travailler sur la prosodie de l’original anglais, la poésie de Poe étant très rythmée, d’abord sur le poids des syllabes, puis sur l’atmosphère du poème, sur les rôles séparés ou confondus des instruments de mon orchestre ».
Cet orchestre, instrument privilégié de la compositrice, double discrètement la voix, s’efface, ponctue ou colore le discours. Dans les épisodes où la voix se retire, respire, l’orchestre se fait soliste, se déploie, explose en de grands arcs sonores. Ces passages instrumentaux se présentent telles des invectives au mauvais sort. Les quatre strophes du poème de Poe suscitent autant de parties d’une œuvre qui se développe à flot continu, un énoncé pour aller vers le tragique, le souffle du destin pour aller vers l’apaisement après avoir traversé les tourments de la mort. Les deux entités voix/orchestre fusionnent dans les mesures ultimes dans une ambiance de lumière, sur des harmonies en quarts de ton, célesta, crotales, harpe scintillant au-dessus de l’orchestre, les cuivres étant également mis en valeur, bien que notés pianississimo, car posés sur les valeurs les plus fortes de l’harmonie.
« L’idée du Paradis, reconnaît Suzanne Giraud, est une aspiration, un désir profond de relâchement de l’étreinte du tourment ». Malgré les circonstances douloureuses de sa genèse, les plus tragiques qu’ait connues son auteur, To One In Paradise participe d’un grand bonheur d’écrire. « Après le travail d’une extrême rigueur sur les quatre premiers Envoûtements et sur Ton cœur sur la pente du ciel, j’ai ressenti le besoin de me détendre, d’être plus lyrique. Entre temps, mon ami est décédé, et le poème de Poe évoque admirablement cet ami qui s’était lui-même remis à lire le poète des amours mortes, des êtres disparus, du deuil ».
Bruno Serrou
To one in paradise,Edgar Allan Poe
Thou wast that all to me, love,
For which my soul did pine—
A green isle in the sea, love,
A fountain and a shrine,
All wreathed with fairy fruits and flowers,
And all the flowers were mine.
Ah, dream too bright to last!
Ah, starry Hope! that didst arise
But to be overcast!
A voice from out the Future cries,
“On ! on !”—but o’er the Past
(Dim gulf!) my spirit hovering lies
Mute, motionless, aghast!
For, alas! alas! with me
The light of Life is o’er!
No more—no more—no more—
(Such language holds the solemn sea
To the sands upon the shore)
Shall bloom the thunder-blasted tree,
Or the stricken eagle soar!
And all my days are trances,
And all my nightly dreams
Are where thy grey eye glances,
And where thy footstep gleams—
In what ethereal dances,
By what eternal streams.