1991, Le rivage des transes, musique de chambre
Durée : 15’30
Effectif : 2 pianos, 2 percussions
Commanditaire : Ville d’Orly
Création : 21 septembre 1992, Orly, Pascal Devoyon, François Kerdoncuff, Vincent Bauer, Luc Canjardjis
Écrire à l’auteur pour recevoir la partition
Presse
L’ombre de Bartok, ConcertoNet
Concert donné au Conservatoire National de Région de Cergy-Pontoise le 6 juin 2003
Arnaud Petit (Acedia) ; George Crumb (Music for a summer evening – Makrokosmos III, extraits) ; Roberto Sierra (Mano a mano) ; Suzanne Giraud (Le Rivage des transes)
Dominique Kim et Line Marand, pianos ; Michel Gastaud et Alain Huteau, percussion
Deux pianos et percussion : l’empreinte de Bartok, plus précisément de la Sonate qu’il destina en 1937 à cette formation instrumentale alors sans doute inouïe, est telle qu’on ne peut pas ne pas l’avoir à l’esprit lorsqu’on écoute d’autres œuvres écrites pour ce même ensemble ou peut-être même lorsqu’on les compose…
[…] Commande du conseil général du Val-de-Marne, Le Rivage des transes (1991) de Suzanne Giraud (née en 1958) comprend sept sections enchaînées d’une durée totale de dix-sept minutes. Pour le compositeur, qui a entamé depuis 1996 un cycle de pièces baptisé Envoûtements (voir par exemple Envoûtements V) et dont chacune porte un numéro désignant non seulement la fois l’ordre dans lequel elle a été créée, mais le nombre d’instruments qu’elle requiert, la transe se distingue de l’envoûtement, en ce sens qu’elle suppose une participation plus active, même si, en l’espèce, cette transe est observée avec une certaine distance, comme depuis un rivage imaginaire.
C’est d’abord une incantation autour d’une note, donnée par l’un des pianos et qui pourrait évoquer aussi bien le basson du Sacre du printemps de Stravinski que la clarinette du Mandarin merveilleux de Bartok ou les Danses rituelles de Jolivet. Les résonances sont ensuite mises en valeur (cloches, marimba), avec les pianos dans le grave. Dans la transe qui suit, menée par les bongos et les congas, de nombreux éléments font songer à Bartok : la rythmique puissante, la sonorité métallique des pianos, voire le langage, à commencer par cette hauteur de vues et cette si rare synthèse de rigueur et de spontanéité, d’accessibilité et d’exigence. Les pianos s’effacent progressivement pour revenir à la note centrale de l’incantation initiale. Difficile de ne pas penser ensuite à nouveau à Bartok, lorsque sur un fond apaisé de sonorités graves, de brèves interjections des pianos s’apparentent aux « musiques nocturnes » de En plein air. Après une parenthèse colorée par les résonances des cloches et du vibraphone, le rythme reprend ses droits, dans une sorte de développement fugué, encore très bartokien, menant à un vigoureux duo antagoniste de timbales, qui finissent toutefois par se rejoindre, même si la conclusion laisse la place à des résonances métalliques. […]
Les quatre compositeurs sont admirablement servis par les interprètes, longuement salués par un public enthousiaste, nullement abattu par la chaleur étouffante de la petite salle du Conservatoire national de région dont il remplit les gradins. Un seul regret : la relative brièveté du programme (quarante-six minutes), malgré ses indéniables exigences artistiques et physiques, aurait justifié qu’il fût complété. Et que la Sonate pour deux pianos et percussion de Bartok eût admirablement couronné cette merveilleuse soirée !
Simon Corley