2020, Impulse, musique de chambre, quatuor
Durée : 23′
Effectif : 2 violons, alto, violoncelle
Commanditaire : Opéra de Limoges, festival Présences féminines & ProQuartet – centre européen de musique de chambre
Création : 29 juillet 2021, Opéra de Limoges, quatuor Tana
Notice d’Impulse
La musique nous enveloppe, nous rattrape, nous secoue parfois. Les mots, leurs sonorités et leur signifiant peuvent, au choix de celui qui les reçoit, simplement ponctuer le flux instrumental, changer le registre de l’écoute ou imprimer du sens.
Bien que ce quatuor soit d’une longueur assez exceptionnelle dans le paysage musical de notre temps, le sens et la secousse de l’ensemble formé par la musique et les mots qui la lacèrent veulent ici exprimer l’urgence d’une impulsion à donner à brève échéance, afin d’inverser un processus de destruction inéluctable.
Presse
Impulse un Quatuor pour la fin des temps ! TV 83
Création d’une œuvre engagée de Suzanne Giraud
Présence Compositrices a eu le bon goût d’offrir une résidence d’artiste à la compositrice Suzanne Giraud qui présentait mardi son cinquième quatuor à cordes intitulé « Impulse » à l’espace des Arts du Pradet. L’œuvre, interprétée par le Quatuor Zaïde, a été chaleureusement accueillie par le public des mélomanes. Message reçu.
Une partition engagée
Suzanne Giraud poursuit une œuvre déjà reconnue et admirée. Elle a subi des influences diverses que l’on ressent dans son style et son écriture. Elle a côtoyé Giacinto Scelsi, ce mystérieux et mystique maître italien mais aussi des contemporains plus classiques, à Darmstadt, comme Morton Feldman, Brian Ferneyhough, ou Franco Donatoni et Hughes Dufour. Elle est actuellement éditée par les Éditions Musicales Artchipels animées par Jean Paul Secher.

Avec une touchante émotion elle a évoqué les sources de son inspiration, à savoir la crise planétaire climatique et les risques de progressive destruction de la biodiversité et a plus long termes de notre espèce.
Un quatuor pour la fin des temps.
L’œuvre d’un seul tenant dure vingt-cinq minutes environ. Elle a été achevée le 14 juillet 2020 jour de la naissance de la petite Nour Secher à laquelle elle est dédiée et fut donnée en première audition à Limoges par le Quatuor Tana. On comprend que cette partition s’adresse ainsi à l’avenir. Un avenir que la compositrice aperçoit incertain. « Que dirait, dit-elle, un prophète de notre temps pour mettre en garde l’humanité ? » Suzanne Giraud entrevoit la réponse dans une mise en garde dont elle utilise le texte dans sa partition : « Il est temps d’aller au-delà de la logique des seigneurs de la guerre et des conflits économiques pour la domination des marchés. Changeons ! Il faut cesser de détruire ! Dites ceci ! agissons ! »
Ne revenons pas sur le débat consistant à savoir si la musique exprime un message (Stravinsky pensait que non) et dépassons le programme et la profession de foi fort louable que nous approuvons, pour insister sur la beauté intrinsèque de Impulse.

Écrite avec force et fluidité cette partition est une synthèse heureuse de plusieurs acquis du répertoire contemporain : répartition séquentielle, mobilité de micro-thèmes, effets de rythmes dosimétriques, de traits d’harmoniques suraiguës, constante variabilité des couleurs. Tout est écrit mais laisse la place à la musicalité expressive des interprètes. Le souci de sonorités évocatrices conduit vers un lyrisme superbe et novateur. L’utilisation de sons clustérisés, de martellements col legno, de Bartók pizz, de piétinement, de cris et d’injonctions sur une fragmentation du texte anglais étonne et séduit. Suzanne Giraud démontre, une fois de plus son incomparable maîtrise et livre ici une œuvre majeure. Il y a quelque chose de Luigi Dallapiccola dans cette radicalité du langage qui n’étouffe pas le lyrisme sous-jacent.
Énergie et implication
Ajoutons qu’elle fut bien servie par le quatuor Zaïde (Charlotte Maclet violon, Leslie Boulin Raulet violon, Sarah Chenaf, alto et Juliette Salmona violoncelle), visiblement ému par la beauté de la musique et qui sût en dévoiler les séquences répétitives obsessionnelles. Leur énergie et leur implication interprétative soulignèrent magnifiquement l’ensemble unitaire cohérent. Vers la fin, l’œuvre sous les archets des interprètes se transforma insensiblement en une sorte de vision angoissée impuissante à s’effacer, une marche inéluctable, préfiguration de ce qui nous attend.
Cette création était encadrée par deux pièces intéressantes de Emma O’Halloran et surtout de Ethel Smyth dont la belle interprétation du Quatuor en mi mineur par le Zaïde laissa s’épanouir les réminiscences brahmsiennes de cette composition généreuse.
Jean-François Principiano