Suzanne Giraud

Contact Suzanne Giraud compositrice contemporaine française

Compositrice Composer Komponistin

Envoûtements VIII

2005, Envoûtements VIII, ensemble

Durée : 18′

Effectif : 8 violoncelles

Commanditaire : Festival de Beauvais

Création : 5 octobre 2005, Festival de Beauvais, Octuor de violoncelles de Beauvais

Edition Musicale Jobert (Edition Musicale Henri Lemoine)

Notice d’Envoûtements VIII

Suzanne Giraud travaille au cycle des Envoûtements depuis 1996. Chaque Envoûtement représente à la fois un aboutissement et un « laboratoire ». La musique, pour Suzanne Giraud, est essentiellement vibrations. Mais de plus, selon elle, la succession de ces vibrations, leur ordre et leurs qualités respectives frappent l’imagination et il en résulte des sensations. Le propos des Envoûtements est d’agir sur l’ordre et sur la nature des événements afin de provoquer ces sensations et ainsi, en quelque sorte, d’envoûter, dans une suite de transmission qui va de la page à écrire au compositeur, du compositeur aux interprètes et des interprètes au public.

Les Envoûtements VIII ont été achevés le 11 mars 2005. Leur chiffre correspond à l’ordre de composition dans le cycle et aux huit violoncelles de l’Octuor de Violoncelles de Beauvais. Ils s’enchaînent en quatre parties, ayant chacune son tempo : modéré, lent, modéré et vif. A l’intérieur de chacune de ces parties, on retrouve la subdivision en quatre, selon le procédé fractal : quatre configurations en contraste, confrontant l’immobilité à la glissade, la rugosité au son lisse, la polyphonie à l’harmonie en blocs, et cela, en tirant au maximum parti des caractéristiques des instruments en présence. La taille de chaque objet et la manière dont ils se juxtaposent les uns aux autres en font comme des grains qui s’ajoutent entre eux en un grand chapelet incantatoire.

Presse

Envoutements picards, ConcertoNet

Beauvais, Théâtre du Beauvaisis, 5 octobre 2005 – Suzanne Giraud (Le Singe, la Banquise et le Téléphone portable – création ; Envoûtements VIII – création ; Envoûtements VI) ; Andrew Downes (Huit violoncelles et cinq timbales – création) ; François-Bernard Mâche (Aera)

Élèves des classes de CM1 et CM2 de l’École Claude Debussy – L’Octuor de violoncelles : Jacques Bernaert, Lionel Allemand, Maryse Castello, Robin De Fives, Mi-Sung Kim, Magdalena Ritter-Rebacz, Mimi Sunnerstam, Eric Robineau – Les Percussions de Strasbourg : Jean-Paul Bernard, Claude Ferrier, Bernard Lesage, Keiko Nakamura, François Papirer, Olaf Tzschoppe, Yves Delescluses – Dir, Daniel Kawka

Sous la direction artistique de Jacques Bernaert, les treizièmes Rencontres d’ensembles de violoncelles de Beauvais affichent le souci d’aller à la rencontre de tous les publics en investissant, outre le Théâtre du Beauvaisis, des lieux où la musique, particulièrement la musique dite « classique », n’a pas ses habitudes (hôtel de ville, médiathèques, musées, lycées, collèges, écoles, gare, maison d’arrêt, grand magasin ou aire d’autoroute). Elles proposent ainsi, du 7 au 11 mai, un large éventail de manifestations (spectacles, master classes, expositions) mettant en valeur ensembles constitués (L’Octuor de violoncelles, Les Basses réunies, les quatuors Klimt et Alexander, le trio de Bratislava, Tara Fuki), solistes (Anner Bylsma, Arto Noras, Régis Pasquier), mais aussi compositeurs : outre un concert conférence, une soirée et une exposition consacrés à Henri Dutilleux et René Koering, le festival proposait un spectacle autour de trois partitions de Suzanne Giraud, apportant une démonstration éclatante de la diversité de son inspiration et de sa palette expressive.

[…] La seconde partie était intégralement dédiée à deux des plus récents Envoûtements de Suzanne Giraud, cycle dont chaque pièce obéit à une structure identique et porte un numéro correspondant à l’effectif qu’elle requiert. Troisième création de cette soirée, les Envoûtements VIII sont, bien entendu, destinés à huit violoncelles, ceux de l’Octuor de violoncelles mené par Jacques Bernaert. La difficulté de la mise en place et le raffinement des textures exigent en outre la présence du chef d’orchestre Daniel Kawka. Comme chez Bartok, le soin presque maniaque apporté à la construction ainsi que la parfaite maîtrise des ressources techniques des instruments ne constituent jamais une fin en soi, mais simplement le moyen d’atteindre une expression fusionnant rigueur et lyrisme : si la densité et la richesse du propos (ainsi que la durée – quatorze minutes) évoquent celles des Envoûtements V (pour guitare et quatuor à cordes), la formation réunie autorise par ailleurs des effets de nature plus orchestrale, comme ces accords répétés ou ces cellules qui circulent rapidement d’un groupe à l’autre.

Si les Envoûtements VII, achevés en janvier dernier, ne seront présentés que ce mois-ci à Marseille, Saint-Etienne et Lyon, les Envoûtements VI remontent déjà à 2003 et frappent par un solide sens de l’humour, voire de l’autodérision. En effet, les Percussions de Strasbourg, pour qui l’œuvre a été composée, se transforment ici en chanteurs, mimes ou acteurs : leur propre corps étant en quelque sorte lui-même assimilé à un instrument à percussion, ils bougent, bondissent, rient, émettent des onomatopées et chants d’oiseaux, sifflotent, jettent leurs baguettes par terre, froissent des papiers pour les lancer en direction de la salle et lisent – tous ensemble, autant que possible – des textes qu’ils ont eux-mêmes sélectionnés (cours de cuisine, leçons de karaté, guide touristique,…), cette cacophonie babelesque remémorant curieusement les Swingle singers dans la Sinfonia de Berio… 

Mais le happening façon années 1970 n’est qu’apparent, la partition réglant minutieusement ces vingt minutes qui alternent sections où les musiciens, bien alignés sur le devant de la scène, se livrent à des joutes verbales scandées par les trépidations des pieds et par les cris rauques du lion’s roar, et sections où, ayant rejoint le pourtour de la scène, usent de modes de jeu plus traditionnels : s’imposent alors soit un calme presque planant, engourdi autour de deux accords à la manière du chœur final des Planètes de Holst, soit un rythme vigoureux, déclenché par les peaux et dont le caractère obsédant semble vouloir s’inscrire délibérément dans le cliché de l’envoûtement. Extraordinairement rafraîchissants tout en réservant un second degré d’analyse plus profond, voire plus grave, ces Envoûtements réjouissent visiblement autant spectateurs et musiciens, parfaitement à la hauteur de ce défi physique et artistique.

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